Commissaire Garon - Emphysiqué !

Saint-Luc

Beaurepaire

  • Conseillé par
    26 mars 2012

    Évidemment, ce résumé fait inévitablement penser à une affaire récente qui a défrayé la chronique et a emballé tous les journalistes jusqu'à l'écoeurement absolu pour nous lecteurs, spectateurs ou auditeurs, enfin, au moins pour moi qui n'ouvrais plus ni journaux ni radio ni télé aux heures des informations. Dans Emphysiqué (dont je vous laisse le soin de trouver la signification dans le livre), Saint-Luc prend certes, comme idée de départ des faits quasi-similaires, mais s'en éloigne rapidement pour créer sa variante personnelle. Il ne faut donc plus garder à l'esprit ce fait divers sordide pour suivre l'enquête de Garon, même si l'auteur s'amuse à nous y retourner de temps en temps notamment grâce aux noms des protagonistes (Mme Le Bouclier va remplacer R.A.S au FMS par exemple). Que voulez-vous, je crois qu'il ne peut s'empêcher de nous ramener à sa lecture du monde politique actuel ! Il se plaît à décortiquer les situations les plus confuses pour ensuite nous montrer que tout le monde manipule tout le monde et que tout le monde est content d'avoir réussi à tirer son épingle du jeu.

    Bon, il y a bien çà et là des "dommages collatéraux" mais que des sous-fifres ou des gens sans importance aux yeux de nos élites. Certains passages sont parfois d'une lecture assez inconfortable ; l'auteur se moque, ironise et prête à ses personnages des propos grossiers, odieux ou méprisants directement sortis de son imagination et non pas de ses croyances intimes (c'est d'ailleurs heureux pour lui et sa santé mentale). Lorsqu'il décrit la supposée-victime du viol on la voit au travers d'yeux masculins qui s'attardent sur son physique peu amène, l'homme se demandant même comment on pouvait violer une telle laideur. Mais, que n'a-t-on pas entendu lors de l'affaire réelle qui sert de point de départ à ce roman ? "Un simple troussage de domestique", par exemple. Et de mémoire, cette question du physique s'est également posée : comment cet homme a-t-il pu céder à une femme si dénuée de féminité et de beauté ? Ou que n'entend-on pas lorsqu'une jeune fille se fait agresser, sur sa supposée provocation parce qu'elle était court-vêtue, voire même maquillée... ? Comme si nous les mâles nous ne pouvions résister à une paire de jambes, de fesses ou de seins esquissée ou suggérée ? Dans ce cas, Saint-Luc par l'entremise de ses personnages, ne se fait que l'écho de certaines remarques désobligeantes à l'encontre des femmes victimes (auxquelles d'ailleurs le livre est adressé). On ne peut pas soupçonner l'auteur de quelque misogynie ou machisme malséant que ce soit : il rapporte ces propos qu'il faut lire au énième degré.

    Pour revenir à Garon, son enquête est un peu étrange, parce qu'il n'y a point meurtre (et dans des polars, c'est quand même souvent la base de l'intrigue), parce qu'elle se passe en quasi totalité à Bangkok et Hua Hin (merci Saint-Luc pour la belle visite, les descriptions des paysages, des restaurants, des habitants, ça donne envie d'y aller, mais pas habillé en soubrette !) : "A l'origine paisible port de pêche, Hua Hin vit dans les années 1920 sa destinée changer sous l'influence conjointe d'un nouveau moyen de transport -le train- et du désir d'un roi de savourer un air enfin pur, Rama VI. Ce despote éclairé, féru d'Occident, supportait mal le climat lourd de Bangkok. La côte sud-est offrant l'avantage d'une brise rafraîchissante venue de la Birmanie voisine, il n'hésita pas longtemps et jeta son dévolu sur la plus longue plage de la région. La Cour suivit, ainsi qu'elle suit toujours." (p.80)

    Ce livre est donc une enquête singulière qui ravira les amateurs de dépaysement, d'actualité, d'ironie et de barbouzerie et de manipulations politiques en marge d'une affaire de moeurs. Pas politiquement corrects Garon et Saint-Luc ! Tant mieux et merci. Le commissaire s'épaissit, n'est ni vraiment sympathique et loin d'être antipathique. Surtout, il n'est pas lisse ; il navigue dans un monde qui à la fois le fascine et le dégoûte ; il tente de démêler le vrai du faux ; il essaie de faire ressortir la vérité à n'importe quel prix ; il dérange sa hiérarchie et son créateur dérange parfois le lecteur. J'adore ça.


  • Conseillé par
    11 mars 2012

    Très bon policier français

    Scandale au G20 ! Roland Ariel-Sachs, directeur du Fonds Monétaire de Secours est arrêté en Thaïlande pour viol sur la personne d’une employée d’hôtel. Très rapidement, l’affaire prend des couleurs internationales et hautement politiques. L’Élysée dépêche le commissaire Garon sur place. Sous couvert diplomatique, il doit rencontrer le suspect et la prétendue victime pour glaner un maximum d’informations. Il s’agit avant tout de blanchir Ariel-Sachs pour qu’il puisse rester dans la course aux futures présidentielles. Une mission toute trouvée pour le commissaire divisionnaire de la brigade des affaires générales de Lyon, commissaire dont le boulot est de traiter les dossiers dits sensibles, tout en limitant les fuites.

    Tout cela vous rappelle vaguement quelque chose ? Si je vous dis que le supposé viol s’est passé dans un Sofitel, ça vous fait sourire ? L’auteur ne s’en cache pas, il s’est inspiré d’une affaire qui a récemment fait les choux gras de tout ce que la presse compte de feuilles (de chou) crasseuses. Mais le livre de Saint-Luc est un roman, qu’on se le dise ! Preuve en est que le commissaire Garon est un personnage plus crédible que jamais. Pour avoir lu le premier volume des aventures franco-asiatiques du bonhomme, j'étais d’autant plus ravie de retrouver un personnage dont le portrait se développe et s’affine. Un sacré gaillard, ce Garon !

    Deux mots sur l’intrigue. L’auteur témoigne simplement que la rumeur est une arme politique, souvent doublement acérée. Avec un cynisme désabusé sur les tractations et autres magouilles qui ont cours dans les hautes sphères, il dépeint sans concession des histoires scabreuses sur fond d’intérêts électoraux/politiques/économiques et j’en passe. À quelques semaines des échéances électorales, ce roman propose la juste dose de réflexion et d’humour grinçant qui peut manquer dans certains débats. Si vous vous interrogez sur ce qui passe derrière les portes closes des ministères, vous ne trouverez pas de réponses dans le roman de Saint-Luc. Mais je gage que vous terminerez votre lecture avec un rictus avisé !

    Par rapport au premier tome, la plume de l’auteur s’est affirmée et débarrassée de certains défauts. Le mot est plus sûr et la langue plus nette : Saint-Luc n’avait pas l’habitude d’appeler un chat autrement que par son nom, mais maintenant on peut même l’entendre miauler ! Pas de langue de bois ici et si vous l’aimez vert, le lexique de l’auteur vous ravira. Je vais jusqu’à dire que ce roman n’est pas pour les chochottes : loin d’être cru, le verbe se veut honnête et le propos l’est tout autant. Amateurs de compromis et de demi-vérités, passez outre !

    Un truc vous étonne peut-être dans cette chronique, à savoir l’absence de citations. Je plaide coupable. Bien qu’armée de mes sempiternels carnet et crayon, je n’ai pas levé les yeux du bouquin en 3 heures. Résultat, une immersion parfaitement réussie et une page vierge. Une fois n’est pas coutume, je vous laisse ainsi sur votre faim. J’espère juste que Saint-Luc ne me laissera pas trop longtemps sur la mienne avant de sortir un autre volume des aventures du fameux commissaire Garon !