Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

(Le manuscrit original de Victor Hugo (Illustré - un coffret contenant 2 volumes)

Saints Peres

250,00
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2 juillet 2016

Non ce n'est pas la résurrection de Victor Hugo ni la réécriture de l'un de ses nombreux chefs d'œuvres. Les éditions des Saints Pères, spécialisées dans les manuscrits, publient donc celui de ce roman culte. Manuscrit intégral, écriture du grand homme, annotations et même dessins -d'autres illustrations également dans ces pages, des gravures de l'édition illustrée de 1882. Deux volumes de 464 pages chacun, grand format ne sont pas de trop pour éditer cette histoire folle avec des personnages qui sont entrés dans notre imaginaire collectif. En France et partout dans le monde. Qui ne connaît pas Esmeralda ? Quasimodo ? Phébus ? Frolo ? Certes, depuis 1831, date de la première publication, cette histoire fut reprise de nombreuses fois. D'abord, ce fut un tel succès que les rééditions se succédèrent. Elle fut aussi traduite. Hugo en fit un livret d'opéra que Louise Bertin mit en musique en 1836 -et que j'écoute en écrivant mon article, c'est ici. Puis, ce furent des ballets et dès 1911, un film qui fut suivi de nombreux autres, des pièces de théâtre, des comédies musicales, dont une en 1998 qui fut un réel succès et dont les interprètes chantent encore maintenant -dommage !

Il ne s'agit pas de lire le roman dans sa version manuscrite, Victor Hugo serait fatigant à suivre, il écrit presque aussi mal que moi -j'entends la formation des lettres, pas le style bien sûr-, encore que sur ce point je lui suis bien supérieur, moi, je suis carrément très difficile à lire sur une ou deux pages, alors sur presque 1000 pages, c'est carrément impossible à moins de m'aimer beaucoup au départ et de finir en me haïssant tel que personne ne l'a encore jamais fait -encore que là, je m'avance un peu, je ne connais point le degré d'inimitié que je peux provoquer, et en fait, je m'en moque. Mais revenons à notre manuscrit qui est donc surtout une source d'informations sur l'art de Victor Hugo. Il souligne beaucoup, rature, écrit dans les marges, parfois juste un mot en gros caractères, parfois plusieurs phrases ; des ajouts, des informations, des notes, ... Et paradoxalement, l'ensemble est propre, clair. Les quelques dessins de l'auteur reproduits sont très bons, parce qu'en plus il savait dessiner, mais que ne savait-il pas faire ? Les autres illustrations sont superbes. L'ensemble est somptueux, d'une très grande qualité, et en plus les livres sentent bon l'encre et le papier imprimé.

Les éditions des Saints Pères ont fait un boulot formidable, et si les manuscrits intégraux qu'ils éditent peuvent paraître chers -je vous invite à aller voir sur leur site-, ils feront des cadeaux excellents et appréciés -on peut même se cotiser. Franchement, un amateur de Victor Hugo tel que je le suis sera comme un fou devant ces deux volumes. Il ne pourra s'empêcher de les prendre, de tourner les pages, de les humer et de les montrer en surveillant du coin de l'œil celui ou celle qui les a en mains de peur qu'il ou elle ne les fasse tomber ou corne la couverture.

D'autres ouvrages sont édités : Madame Bovary, A la recherche du temps perdu, Les fleurs du mal, Candide, Voyage au bout de la nuit, ... Faites-vous plaisir, faites plaisir...

Conseillé par
2 juillet 2016

La collection Incipit lancée par les éditions prisma est inégale. Pour un très bon livre (Spiridon superstar de Philippe Jaenada, deux un peu en-dessous : L'ancien régime de François Bégaudeau et Deux-pièces d'Éliette Abécassis), un, Les délices du 36, qui me déçoit par sa platitude. Voilà, c'est exactement le mot qui résume ma lecture : platitude. Tant dans l'écriture qui ne fait pas ressortir d'émotions (sauf peut-être la dernière partie, épistolaire, mais je ne suis pas amateur du genre) que dans les personnages. Ils sont pâles, inodores et sans saveur. Et puis, on ne ressent rien de l'euphorie des congés de 36 dans ce court - heureusement - roman. Tout tourne autour de Marius et d'Emma et de leurs amours adolescentes angoissées. Quasiment rien n'est en rapport avec l'époque, je me suis même plusieurs fois demandé si le romancier ne faisait pas un bond en avant pour raconter l'histoire des arrière-petits-enfants de Jean et Bernadette. C'est un peu gênant de se poser une telle question à plusieurs reprises, surtout lorsque le livre doit parler des premières semaines de vacances payées de 36 ! La même histoire avec les mêmes protagonistes aurait pu être transférée à n'importe quelle époque sans que le lecteur y gagne ou y perde quelque chose. Nicolas Rey passe totalement à côté de son sujet. En fait, je réfléchis en écrivant et me dis que les deux jeunes gens sont des personnages très actuels, absolument pas du siècle précédent, leurs amours sont tristes, ils ont peur du lendemain, ils ne savent pas profiter du moment présent, tout est très actuel et plutôt en accord avec la société de 2016 où l'innocence et la spontanéité sont perdues. Supposez qu'on change les lettres de la seconde partie par des textos, et hop, le tour st joué, on place cette histoire en 2016. Histoire interchangeable. Ou alors, c'est le conflit imminent qui les mine, Marius à 16 ans et bientôt mobilisable, mais aucune insinuation de l'auteur, aucun mot, rien, nada.

Et puis, pour ma première lecture de l'auteur, je dois dire que je suis déçu. J'ai l'impression d'entendre une de ses chroniques radio - à l'époque où j'écoutais la radio -, et ce que je pouvais ne pas aimer dedans, eh bien je le retrouve là. Une certaine facilité dans les effets de style, un travail bâclé et décevant. Il y a aussi cette désagréable sensation que Nicolas Rey place dans ses textes des références, des allusions que je ne comprends pas, n'évoluant pas dans son milieu et ne m'intéressant pas aux cancans parisiano-parisiens, ni aux autres non plus. Je sens bien que je passe à côté de certains trucs, et franchement, ça m'agace, comme m'agace ce bouquin.

Pénélope Bagieu signe la couverture, c'est ce qu'il y a de mieux dans le livre.

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21 juin 2016

De Didier Fourmy, j'ai déjà lu "Les Pétillantes", un roman léger et enlevé sur la colocation au troisième âge, j'ai par contre moins accroché à la suite, l'effet de surprise manquait sans doute. "La promeneuse" est avec un thème différent, dans le même genre, un roman sympa, léger, drôle et pas prise de tête, qui a la chance de ne pas être écrit avec les pieds (je dois même dire que l'écriture est très fluide, agréable) et qui voit naître de beaux personnages, barrés, déjantés, seuls, terriblement seuls, hormis leurs animaux de compagnie. Si je l'osais, je dirais que ce roman est LE roman de l'été, celui qu'il faut lire en vacances pour se détendre, à la mer, à la montagne, à la campagne...

Sous un prétexte léger, Didier Fourmy parle de grands sujets de la société actuelle : l'individualisme, la solitude et l'intérêt totalement débordant pour les animaux voire même totalement délirant, mais c'est un marché qui rapporte de l'argent à ceux qui savent en profiter. Tout cela est fait de manière drôle pour que l'on ne s'ennuie pas et qu'on ait envie de tourner les pages jusqu'au bout. On sait en l'ouvrant que ce livre finira bien, si ce n'était pas le cas, l'auteur nous décevrait, c'est le genre qui veut cela. La galerie de personnages est large, entre une vieille dame aux mille vies, qui n'est pas la même le matin et le soir et qui se promène avec deux braques de Weimar, Günther et Laslo, uniquement avenue de Breteuil, une voyante qui lit l'avenir dans les yeux de ses chats, un grand chef étoilé et sa petite chienne cocker, un styliste à la mode et son carlin... sans oublier l'énigmatique et bel homme qui promène régulièrement sa belle labrador noire et qui fait de l'effet à Fred.

Une bonne idée, c'est de faire parler les animaux, en italique - comme les tueurs dans les thrillers - ; ils parlent entre eux ou à Fred qui les comprend par leur langage mais aussi par leurs postures. Ils font passer les messages, les difficultés de leurs maîtres qui eux, les cachent souvent, ils se moquent d'eux ouvertement pour qui les comprend et franchement, il y a de quoi. Il y aura des rapprochements, des sentiments forts entre Fred et ses patients hommes femmes et animaux - en tout bien tout honneur, la zoophilie n'est pas au programme, je rappelle que c'est un roman d'été, tout public, même si Günther ou Laslo, je ne sais plus lequel, est porté sur la chose, mais uniquement avec ses congénères- et évidemment idylle.

Un bon moment à lire et partager, le livre pourra faire le tour de la famille. Pas seulement pour les amoureux des animaux, il donne envie de savoir parler leur langage, mais bon, on continuera à faire comme si on comprenait.

Les premières lignes : "Il pleuvait quand elle sortit du métro Tuileries. Elle ôta vivement son trench pour s'en couvrir les cheveux et traversa la rue de Rivoli en courant pour se mettre à l'abri sous les arcades. Elle avait, hélas, choisi des talons un peu trop hauts et manqua glisser en sautant par-dessus la mare du caniveau." (p.9)

16,00
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21 juin 2016

Tout en économie de mots et de moyens, Youcef Zirem dresse le portrait d'un pays en régression, totalement muselé par ses élites qui préfèrent profiter du pouvoir plutôt que de se mettre au service du peuple et du pays. Ce n'est pas nouveau, et l'Algérie n'est pas la seule à fonctionner comme cela, mais en tant qu'Algérien, il n'est pas facile ni sécurisant de le crier fort, la liberté d'expression y étant une notion peu développée. Le langage est sec, direct, parfois violent (le premier chapitre l'est incontestablement), l'auteur n'éludant pas les questions, ne passant pas outre la violence de la société de son pays. Les phrases sont courtes, les chapitres aussi et le livre également (140 pages). Malgré cette relative brièveté et la volonté du romancier d'aller droit au but, il ne fait pas l'impasse sur les belles descriptions d'Alger ou de la Kabylie et même des rues et des monuments parisiens.

Rien ne va dans la société algérienne, et pourtant, Youcef Zirem parle d'initiatives portées souvent par des jeunes gens qui cherchent à la faire bouger, de jeunes femmes belles qu'il décrit rapidement, à peine une silhouette parfois, mais qu'on imagine très vite et qui ne peuvent que jouer de leurs charmes pour s'en sortir. Son roman n'est pas manichéen, il y a des bons et des méchants dans les deux camps, tout cela est une question de personne et de force de caractère. De cela Amina et ses amies sont particulièrement bien dotées, des jeunes femmes a priori comme les autres qui révèleront leurs forces dans l'adversité, et pourtant elles restent "normales", absolument pas exceptionnelles et veulent le demeurer.

Grâce à sa brièveté ce roman est dense, bourré de références à la littérature française (Camus, Hugo, Char, Bobin,...) avec Pessoa (portugais) en prime. Beaucoup de dénonciations des connivences, des collusions et accointances entres les militaires et les barbus amnistiés qui s'achètent une seconde vie -ou qui la vendent très cher-, tout cela pour le pouvoir et l'argent. Certains n'hésitent pas à se lancer dans le commerce de l'alcool alors qu'ils sont censés ne pas en boire... Youcef Zirem parle aussi beaucoup des paradoxes des religieux qui ne boivent pas d'alcool, qui ne regardent pas les femmes et qui ne veulent pas qu'on regarde les leurs, mais qui dans le même temps, ne se privent pas de soirées arrosées et accompagnées d'escort girls qu'ils paient cher. Tous ces hommes de pouvoir clament haut et fort leurs préceptes religieux - qui ne sont évidemment qu'interprétation des textes en leur faveur- qu'ils s'empressent de bafouer en privé.

Youcef Zirem prône le respect de tous, de la femme en particulier qui, en Algérie, est considérée comme mineure toute sa vie. Son roman est très féminin, féministe, ses personnages de femmes sont très beaux, forts, sans doute inoubliables. Son écriture qui va à l'essentiel laisse passer tout le respect et l'admiration qu'il a pour elles, et même l'espoir qu'il place dans les femmes pour sortir son pays du marasme dans lequel il est plongé depuis longtemps, à la condition que celles-ci ne s'arrêtent pas de lutter dès lors qu'elles ont obtenu un poste pour elles.

Je n'ai pas pu dire la moitié de ce que contient ce très beau roman, je me suis sans doute répété et j'ai tourné autour du pot, mais le meilleur moyen pour vous en rendre compte, c'est de lire La porte de la mer (en plus le titre est magnifique, comme j'imagine, le coin du pays qu'il désigne). Je suis persuadé d'avoir découvert un grand auteur humaniste.

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21 juin 2016

Kayo, de son vrai prénom Kwadwo est allé faire ses études en Angleterre et est revenu au Ghana pour travailler. Mais, il bosse pour un laboratoire n'ayant pas été recruté pour être médecin légiste à Accra la capitale du pays. Un concours de circonstance l'amène à enquêter dans ce village. Fort de son éducation, il aurait pu snober les habitants, mais au contraire, il les écoute et c'est ainsi qu'il avancera dans ses investigations. J'ai souvenance d'une nouvelle parue dans un recueil "Nouvelles de Côte d'Ivoire", dans laquelle, un peu de la même manière, un jeune golden boy revenait dans son village d'origine et retrouvait les gestes et le goût de la simplicité, des croyances et des coutumes de ses aïeux. C'est la rencontre de deux mondes, le Ghana ancien et le moderne que nous narre Nii Ayikei Parkes. Il décrit fort joliment l'un comme l'autre et le télescopage n'est pas si violent que cela, avec de l'écoute et de la compréhension, les deux mondes se côtoient et vivent ensemble.

Pour raconter son histoire, le romancier joue avec les codes du polar, puisqu'enquête il y a, avec les plaies de certains pays d'Afrique - pas chez nous, non, nous en Europe... c'est comment dire ? c'est pas pareil - : corruption, intimidation, régime autoritaire qui ne supporte donc pas la moindre contrariété ou contradiction, argent qui passe de mains douteuses en d'autres mains douteuses, avec les codes du roman d'initiation, du conte du griot et avec les différences entre les cultures occidentale et africaine. C'est très bien vu et très bien fait. C'est assez drôle dans les dialogues, léger et vif :

"Bon, mon ami, veuillez décliner vos nom, prénoms et profession.

- Kayo Odamtten. Je travaille dans un laboratoire scientifique.

- C'est ça le nom que votre père a trouvé pour vous faire sortir au grand jour ?"

Il y avait dans la voix du sergent un mélange d'agacement, d'amusement et de cynisme.

"Donnez-moi votre vrai nom.

- Kwadwo Okai Odamtten." (p.75)

La langue de Nii Ayikei Parkes est métissée lorsqu'il fait parler ou intervenir Yao Pokou, le vieux chasseur du village. Je dois même confesser que le premier chapitre m'a troublé, déstabilisé, mais je voudrais inciter ici tout futur lecteur à passer au-dessus de cet éventuel écueil, parce que la suite vaut le détour, largement, très largement, très très largement. Il faut saluer le travail de la traductrice Sika Fakambi qui a dû se torturer les méninges pour reproduire la vitalité et le métissage du style de l'auteur.

Encore une fois les éditions Zulma publient un très joli livre, dépaysant, original, formidable. Et en plus, il sort en poche... Pourquoi se priver ?