Mise en bouche, roman

Kyung-Ran Jo

Philippe Rey

  • Conseillé par
    6 septembre 2015

    À déguster sans modération

    Il n'y a pas si longtemps, Jung Jiwon était une femme comblée. Chef reconnue, elle dirigeait sa propre école de cuisine où elle initiait de studieux élèves aux subtilités de la gastronomie italienne. Sa réussite, elle la partageait avec un homme, un architecte. C'est lui qui avait conçu son école et leur maison. Il était l'homme de sa vie, un être chéri au-delà de tout.
    Et puis, tout s'est effondré. L'aimé l'a quittée pour une autre femme, une mannequin, une de ses apprenties cuisinières. Depuis, Jiwon va mal. Elle a fermé son école et s'est laissée aller au chagrin. Finalement, avant de sombrer totalement, elle a repris un emploi au Nove, près du chef qui lui a tout appris. Peu à peu, elle reprend goût à la cuisine. Mais son bonheur enfui la hante. Encore et toujours, elle pense à l'aimé, espère son retour. Devant l'évidence que plus jamais elle ne connaîtra les joies de l'amour partagé, Jiwon mijote sa vengeance.

    ''C'est mon destin que d'aimer et de cuisiner. Ce sont deux choses distinctes, mais pour moi elles n'en font qu'une. C'est mon destin''. C'est ainsi que se définit Jiwon et quand l'un des deux piliers de sa vie s'effondre, elle en est forcément déstabilisée. Au point de se noyer dans le chagrin, au point d'espérer en vain, de s'humilier, de supplier. Car Jiwon aime comme elle cuisine, de toute son âme, de tout son coeur, pour donner du plaisir, pour être aimée en retour. Si son drame est universel, le remède est lui tout personnel. Cette femme ne se résigne pas à la trahison, au désamour. Elle sombre peu à peu dans la folie. Une folie qui trouve son apothéose dans une terrible vengeance qui bouscule tous les tabous.
    Kyung-Ran JO signe là un roman d'une folle sensualité où les plaisirs de la chair sont inextricablement liés à ceux de la chère. Partant d'une banale histoire d'adultère, elle élabore un récit tout en tension, soufflant le chaud et le froid, nous mettant en appétit pour finir par nous le couper âprement. Un récit haut en saveur au final aussi glaçant qu'éblouissant, à déguster sans modération.


  • Conseillé par
    17 août 2010

    Si tu n'aimes pas mes plats, prends garde à toi !

    J'ai profité de mon récent passage à la librairie pour ajouter ce roman à ma PAL (pile à lire) déjà bien replète ! Le moins que l'on puisse écrire est que l'héroïne ne manque pas de piquant. Jung Jiwon, passionnée de gastronomie, à la tête d'une école de cuisine de renom, est abandonnée par son compagnon qui lui préfère une ex-mannequin. Cette séparation lui fait perdre pour elle l'essentiel : le plaisir de créer des plats et de manger car chez elle, nourriture et amour sont intimement liés. Son talent est à son paroxysme quand elle est en cuisine pour celui qu'elle aime. S'il n'est plus là, pourquoi cuisiner ? S'il n'est plus là, pourquoi continuer à exister ? Won ferme son école et réintègre le restaurant Nove où elle occupait la place de sous-chef. Peu à peu, elle réapprend à utiliser ses sens comme paralysés par le chagrin mais ne guérit pas pour autant. Elle aime toujours l'absent et la présence de Pauli, le chien de celui-ci qu'elle a gardé, ne fait que raviver les souvenirs heureux de leur vie à trois.

    Après ma plongée dans l'univers chloré de Nicola Keegan, je me suis trouvée happée par l'univers de Kyung-Ran Jo où légumes, viandes, poissons, herbes aromatiques forment une ronde endiablée qui finit par étourdir le lecteur. Tout n'est que sollicitation des sens, presque jusqu'à l'overdose.

    La fin que je ne vous dévoilerai pas (J'ai donné ma langue au chat !) est extraordinaire de raffinement et de cruauté. Je vous laisse le plaisir de la découvrir...